Amnésia
Dans les confins des mondes de l’oubli, comme des souvenirs, inachevés, se dressait un château aux couleurs de mémoires. Sombre et lumineux, étrange et fascinant, tout comme la silhouette évanescente qui se tenait sur le chemin de ronde. Elle était changeante comme la pensée, belle comme le désir, mais aucun mortel ne se souvenait de son visage parfait après l’avoir vu, aucun, à jamais. Le vent qui soufflait faisait danser ses cheveux à la couleur incertaine, ébène où opale, à l’odeur entêtante, un parfum capiteux et suave, comme le sensation de vide que nous laisse l’absence de souvenir. Telle était Amnésia, Dame de ce lieu, Dame du non-souvenir, de l’oublie éternelle, de la nouvelle vie, cadeau à double tranchant. Certains disent qu’elle est fille de L’Oublis, engendré par le lieu même ou elle vit, d’autres disent qu’elles est née des souhaits et souvenirs oubliés par les êtres, immortels ou mortels, humains ou magiques. Ce soir là, si tant est que l’on peut parler de soir, tant les jours en ce lieu étaient sombres, Amnésia regardait le monde autours d’elle, elle cherchait, elle attendait l’appel, qui elle le savait viendrait tôt au tard, et souvent plus tôt que tard. Un sourire ironique naquit sur ses lèvres sanguines.
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L’étalon couleur nuit galopait dans la plaine, avalant les lieux à une vitesse vertigineuse, grisant aussi bien son cavalier que lui par cette course contre le temps, impalpable vainqueur de tout. Sur le visage de son cavalier se reflétait l’intense passion qu’il ressentait à galoper ainsi, ombre mouvante parmi les fantômes de cette nuit en ce lieu d’interdit. Il n’aurait pas du se trouver en ce lieux dont même le sol respirait la magie la plus pures, la plus interdite aux hommes, mais la peur était un sentiment qui n’avait jamais assombri son fier cœur. Tout était étrange, malgré la vitesse de son destrier qui le grisait, il voyait des choses que ses yeux n’aurait pas du voir, le Royaume des Ombres ne s’ouvre que rarement aux hommes, et encore ceux-ci doivent-ils en payer un tribut bien plus lourd que le profit qu’ils ont pu tirer de leur voyage ici, si ils en ont tiré un. Mais la mort n’est jamais donnée, bien trop maigre contre parti, les Etres des Ombres sont bien plus malins que cela. Soudain, comme étreint par une sombre prescience, le cavalier fit arrêter sa monture et se retourna. Il vit, derrière lui, un être qui le regardait, le sourire aux lèvres. Ce qu’il ressentit en le voyant lui fit perdre les battements de son cœur pendant quelques minutes. Son cheval, sentant monter en lui cette sombre sensation, se lança au triple galop. Il obligea ainsi son cavalier à se retourner, ce qui empêcha le mortel de voir naître au fond du regard de l’Etre de l’Ombre une lueur spectrale. Il eu juste le temps d’apercevoir une porte d’Entre-Les-Mondes s’ouvrir et il y plongea, lancer par le galop de son cheval emballé.
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La dame releva la tête, quelque chose dans la fragrance de l’air, le champs des fleurs, lui avait annoncé qu’un événement était arrivé en son royaume, un être avait été amené par un de ses Messager. Un vague sourire apparu sur ses traits, et une étrange couleur traversa son regard. Elle traversa son château de part en part et alla à l’écurie. Là l’y attendait sa monture, que tous dans le Royaume de l’Oublis s’accordait pour dire que c’était le plus véloce de tous, le plus noble. Elle lui caressa distraitement l’encolure et lui murmura ces deux mots : « Allons chassez ! ». Le cheval releva la tête, une lueur barbare dans les yeux.
Ils galopèrent vers le lieu de la porte d’Entre-Les-Mondes. Ils y trouvèrent le jeune chevalier humain et sa monture, grand destrier sombre, sous un bosquet. L’homme était allongé dans l’herbe, épuisé et perdu dans le monde obscur de ses pensées. La Dame du non-souvenir s’approcha sans faire trop de bruit de l’allongé. Elle passa sa main dans ses cheveux, bruns foncés comme l’écorce des sous bois. Il ne se réveilla pas, pour lui se contact avait été plus léger que la brise matinale. Ce fut la voix de cristal qui sortie de la gorge féminine qui le réveilla. Il la regarda, et en un instant son cœur ne put qu’aimer cette beauté intemporelle, pour sa perte. Celle-ci, tout doucement, se pencha vers lui, son visage altier se rapprochant du chevaleresque, et au moment ou sa bouche toucha celle du jeune homme, tous ses souvenirs se trouvèrent absorbé par l’Etre de l’Oublis. Ces yeux se refermèrent avec douceur.
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La Dame avait repris sa place sur le chemin de ronde, ou elle pouvait d’un seul coup d’œil voir ses terres adorées. Elle respirait pleinement l’air de cette nuit sombre et entêtante. Dans son âme, de nouvelles images palpitaient, pâles reflets des souvenirs de l’allongé, nouveau souffle de sa vie.C’était sa nourriture, son souffle, qu’elle prenait ainsi à chaque voyageur qui lui était envoyé. C’était leur punition, c’était sa vie.
L’homme, quand à lui, se réveilla dans une clairière, entouré de villageois humains qui lui demandaient ce qui lui était arrivé, ces êtres ne le connaissaient, pas, lui-même ne se connaissait plus. Plus aucun souvenir ne vivait sous la surface de son âme, il était échoué, tel un nouveau né, sur la face du monde des mortels.