N’as-tu jamais rêvé de partir ? Moi si. Aller vers ces contrées lointaines, sauvages, où les herbes folles vous caressent les pieds, où le vent froid vous soulève les cheveux et vous donne l’impression de voler. Souvent, enfermée dans cette chambre blanche, je m’imagine à pieds nus courir à travers les champs, afin de rattraper les bêtes emballées. Je distingue leurs crinières dorées, leur doux pelages reflétant la lumière du couchant. Les odeurs me submergent, et je m’enfonce dans ces tourbillons parfumés. Tout semble si réel, si vrai, si bon. Je ferme les yeux et … Oui le monde est si vaste, et ma chambre si petite. Le soleil couchant, que j'aimerais l’atteindre encore une fois. Partir … Partir loin ... Si loin … Qu’importe comment je le ferai … Je le ferai ... en avion, en train, en bus, à pied … avec toi … Tu sais, la seule chose dont j’ai peur, c’est d’oublier ce pourquoi je suis ici. Suis-je née pour occuper ce lit ? Ah je vois ton regard, là sur ce mur blanc, d’où pendent des fils à perfusion, je le vois, ce regard qui m’observe. Je le sens, je le perçois de mes yeux éteints. Oui pourquoi serais-je née … Pourquoi ? Je me sens si faible, et mon désir si fort. J’ai beau voir, j’ai beau imaginer ce couchant, non je ne peux le sentir, te sentir toi, tout près de moi. Tu n’existe plus. Je suis seule. Me posant cette ultime question : étais-tu capable de ne pas aimer ? Je me revois là-bas, comblée de magnificence entre tes mains. Je peux encore sentir leur caresse, les dessiner dans le désarroi de mon cœur. Mais les souvenirs blessent, et la mémoire passe, désireuse de tout effacer. N’as-tu jamais existé, ce couchant que tu m’as promis ne s'est-il jamais levé ? Ah ces parfums sont si loin de moi à présent. Pourquoi ? Pourquoi dès l’approche de la nuit la lumière disparaît et me laisse seule, seule avec ces larmes amères qui coulent et qui coulent sans plus jamais s’arrêter. Ce train … Oui je m’en souviens encore, tu m’avais dit et puis … Un couchant promis, un rêve insatisfait. Moi mon rêve était de partir, avec toi. Je répète à la virgule près tes propres mots, tes propres syntagmes, tes propres locutions. Tu vois où la bêtise nous mène ? J’en viens à délirer au travers de ce sommeil sans nom. Mes yeux ne voient plus, et les tiens … Oui cesy eux que j'ai tant aimé, ne sont qu' une photographie accrochée au mur d’une chambre d’hôpital. N’as-tu jamais rêvée de partir ? Moi si. Je l’espère encore … pour venir te rejoindre.